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La casse française ordinaire
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La casse parisienne du chapitre précédent est une version en taille réduite de la casse traditionnelle française, dite casse ordinaire. Son usage se développe à l'époque de la mécanisation de la composition typographique. Avec cette mécanisation, les besoins en composition manuelle diminuent drastiquement, ce qui entraîne la diminution du besoin de caractères à disposition dans l'atelier et donc la diminution de la taille de la casse et son changement d'emploi. Le caractère qu'elle contient ne sert plus pour la composition de grands textes mais plutôt pour des petits travaux ou des travaux d'appoint : encarts publicitaires, en-têtes de lettres, cartons d'invitation, cartes de visite, titraille, éventuellement brochures de quelques pages, etc.
La casse ordinaire ne se sort pas pour être utilisée et ne se range pas comme un tiroir dans un meuble après utilisation comme c'est le cas pour les casses de petite taille. Elle est posée en permanence sur un rang, à portée de main du typographe debout, et est constituée de deux parties, deux casseaux : le bas et le haut de casse. L'inclinaison du haut de casse est supérieure à celle du bas afin de rendre plus aisée l'accès aux cassetins les plus éloignés.
Casse française en deux parties, et typographe qui compose debout.
Le plus ancien plan de casse française connu est celui que l'on trouve dans le manuel de Martin Dominique Fertel, imprimeur à Saint-Omer, La Science pratique de l'imprimerie. Il date de 1723. Si cet ouvrage n'est pas le premier à traiter de typographie, il est toutefois le premier manuel français à le faire.
Casse de Fertel, 1723.
La casse ordinaire, cela se voit au premier coup d'œil, est bien plus complète que la casse parisienne. Elle contient par défaut les petites capitales et nombre de signes dont l'usage est plus ou moins courant, du moins en français. Cette casse de Fertel contient la quasi-totalité des accentuations des voyelles minuscules : accent aigu, accent grave, accent circonflexe, tréma. Ne manquent que le a et le o tréma (pourtant bien utiles en langue allemande), le a rond du suédois et le a ogonek du polonais. Le e ogonek est bien présent (dans le bas de casse, à côté du c cédille). C'est la première mais aussi la dernière casse française à le contenir. Avec cette casse de Fertel, nous sommes au début du 18e siècle, et le s long est encore d'usage courant (il se trouve entre le s court et le f dans le bas de casse). Son usage se perdra au cours du siècle suivant. Les ligatures du f se doublent donc des ligatures du s long : ff, fi, fl, ffi ffl pour le f et ss, si, sl, st, ssi, ssl (la police utilisée pour composer le présent texte ne possède pas de s long) pour le s ; dernière ligature présente: le ct. Petite anomalie dans le positionnement, l'apostrophe est reléguée dans le haut de casse alors qu'elle est très utilisée en français.
Casse de l'Encyclopédie, 1751.
La casse de l'Encyclopédie diffère beaucoup de celle de Fertel. Apparaissent un certain nombre de signes comme les parenthèses, les crochets carrés, les guillemets, le pied de mouche, l'obèle, le paragraphe, l'astérisque. Aussi, en grandes et petites capitales le Œ et le C cédille, le E accent aigu. Un cassetin vide là où se trouvait le e accent aigu, descendu en bas de casse à une place qu'il aura toujours dans la casse parisienne. Une nouvelle ligature, le s long b ; et le s long t, très utilisé (notamment dans le verbe conjugué est), a droit à deux cassetins superposés. Ces apparitions ne sont pas compensées par des disparitions. Ce qui s'explique par le fait que la casse de l'Encyclopédie possède un haut de casse de sept lignes de cassetins alors que celle de Fertel n'en a que six.
Casse de l'Encyclopédie élémentaire, Petity, 1767.
La casse de l'Encyclopédie élémentaire de l'abbé de Petity diffère peu de celle de l'Encyclopédie (tout court). Essentiellement par la position de l'astérisque, du pied de mouche et des guillemets qui prennent ici deux cassetins.
Casse de Castillon, 1783.
La casse de l'Art de l'imprimerie dans sa véritable intelligence, d'Antoine Castillon dispose différemment les lettres j, et J, U tant en petites qu'en grandes capitales. On y voit aussi apparaître les ä et ö, les E accentués en grandes capitales et les versets et répons (R et V barrés en courbe) utilisés dans les textes religieux (on aurait pu imaginer que l'abbé de Petity y aurait songé avant lui).
Casse de Boulard, 1783.
Peu de choses à dire de cette casse du Manuel de l'imprimeur, de M. S. Boulard (le M. est-il l'initiale d'un prénom ou l'abréviation de monsieur ?), si ce n'est que l'exemplaire d'où provient le plan a été mal encré (voir le x en bas à gauche qui foule le papier sans une trace d'encre). Le k à côté du ffi est bien une minuscule malgré son air de majuscule. L'absence de toutes les voyelles minuscules à accent aigu dans la casse qui a servi à composer ce plan explique sans nul doute les cinq cassetins vierges du haut de casse.
Casse de Momoro, 1793.
Manque de caractères aussi pour ce plan de casse du Traité élémentaire de l'imprimerie d'Antoine-François Momoro. Il n'est pas concevable que l'on puisse réaliser une quelconque composition sans la division (i. e. le trait d'union) ni l'apostrophe. Et si l'on peut le plus souvent se passer du e dans l'a, il est plus difficile – en français – de se passer de l'e dans l'o (œil, cœur, etc.).
Casse de Bertrand-Quinquet, 1798.
La casse du Traité de l'imprimerie, de Bertrand-Quinquet a été imprimée à l'aide du cuivre de Benard réalisé pour l'édition in-4o de l'Encyclopédie. Comment et pourquoi s'est réalisé ce prêt ? nous l'ignorons. Toujours est-il que nous retrouvons ici la même absence de cédille sous le ç (bas de casse, à côté du é) et le même point d'interrogation à l'envers.
Casse de Vinçard, 1806.
La casse de Vinçard pour son Art du typographe, première du 19e siècle, procède à un certain nombre de grands changements. Expulsion totale du s long et de ses ligatures car son usage avait tendance à disparaître, ainsi que des ffi et ffl, ce qui se justifie beaucoup moins. Expulsion également de toutes les minuscules accentuées qui ne sont pas utilisées en français.
Casse de Gillé, 1817.
Encore très 18e siècle, cette casse du Manuel de l'imprimerie, ouvrage rare et anonyme imprimé par Gillé et vendu par Farge. Elle maintient le s long et toutes les ligatures qui lui sont liées alors – on vient de le voir – que leur usage se perdait.
Casse de Brun, 1825.
La casse du Manuel pratique et abrégé de la typographie française, de Marcellin-Aimé Brun. Elle est la première à offrir une gestion fine des espaces afin de faciliter la justification du texte. On y trouve des cassetins pour les espaces de 1 point, un point et demi et deux points en plus des espaces traditionnelles et des demi-cadratins, cadratins et cadrats. On y voit apparaître les gros points ou points de conduite (sous l'astérisque, ils sont fondus sur demi-cadratin, contrairement aux points ordinaires) qui servent à faciliter la lecture dans les tableaux, les tables des matières et sommaires, etc. On peut regretter en revanche l'absence du ff pourtant bien utile.
Casse de Henri Fournier, 1825.
La casse du Traité de la typographie, de Henri Fournier (aucun lien de parenté avec Fournier le jeune), concurrent direct de Brun dans une course au manuel de typographie. Quelques variantes de positionnement par rapport à son adversaire mais surtout, elle prévoit un emplacement pour les O crénés tant en grandes qu'en petites capitales pour favoriser le rapprochement des E afin de fabriquer des Œ en cas d'absence de cette sorte. C'est la première casse à prévoir un emplacement pour un e et un r supérieurs qui permettent de fabriquer des abréviations du type 1er ou 1re (premier ou première).
Casse d'Audouin de Géronval, 1826.
Aucune particularité à noter avec cette casse du Manuel de l'imprimeur ou traité simplifié de la typographie, de Maurice-Ernest Audouin de Géronval. Le strict nécessaire pour composer tout texte en français. Et rien d'autre.
Casse de Frey, 1828.
Même remarque qu'avec la casse précédente pour celle du Nouveau Manuel complet de typographie, d'Antoine Frey publié chez le même éditeur dans la même collection : les Manuels Roret.
Casse de l'Encyclopédie des connaissances utiles, 1830.
Quelques cassetins vides, dont le remplissage est laissé à l'initiative du compositeur typo.
Casse de Lefèvre, ancienne disposition, 1832.
Avec ce plan commence la réflexion de Théotiste Lefèvre – l'un des plus importants et des plus complets typographes du 19e siècle –.au sujet de la disposition des caractères dans la casse. Il est sans doute le premier à y réfléchir sérieusement, et il publie le résultat de ses réflexions dans son ouvrage Nouvelle Classification de la casse française. La disposition qu'il propose ici est celle pratiquée par le plus grand nombre d'ateliers de l'époque. Elle montre le retour (entre autres détails) des versets et répons. Mais Lefèvre ne trouve pas convaincante cette disposition et va en proposer une autre (voir ci-dessous).
Casse de Lefèvre, nouvelle disposition, 1832.
Cette nouvelle disposition de la casse est donc le résultat de ses travaux et réflexions sur le sujet parus en 1832 dans sa Nouvelle Classification de la casse française. Bien que plus ergonomique et plus apte à accélérer le travail de composition, cette casse ne sera jamais utilisée.
Casse de Lefèvre, nouvelle disposition, 1834.
Parue dans son ouvrage Recueil complet d'impositions, cette casse « nouvelle disposition » de Théotiste Lefèvre propose quelques variantes – après deux années de réflexions supplémentaires – par rapport à sa casse « nouvelle disposition » de 1832.
Casse du dictionnaire des Arts et Manufactures, 1847.
Parue dans le Dictionnaire des Arts et Manufactures, de Laboulaye et Lefebvre, cette casse reprend chou pour chou la disposition de celle de Brun.
Casse de Lefèvre, 1855.
Lefèvre revient une dernière fois sur la casse en 1855 dans son ouvrage majeur, le Guide pratique du compositeur. Il ne cherche plus à imposer la nouvelle disposition qu'il a imaginée. Il le regrette et le dit dans la note liée au plan de casse « traditionnel » qu'il propose.
Casse de Boildieu, pour l'Imprimerie nationale, 1878.
Boildieu et fils est un fabricant de matériel pour la fonderie, la typographie et la reliure. Son catalogue de 1878 proposait plusieurs modèles de casse, dont celui-ci, spécialement conçu pour l'Imprimerie nationale qui a toujours cultivé jalousement sa différence (elle a ses propres graveurs, ses propres fondeurs, ses propres typographes – « ordinaires » et orientalistes – sa propre unité de mesure, le point IN, et bien sûr sa propre disposition de casse).
Casse de Boildieu, 1878.
La casse de Boildieu et fils pour les autres imprimeurs. Elle permet de composer tout texte en français, mais rien qu'en français. Aucune incartade possible vers les langues étrangères possédant d'autres accentuations. Toutefois, elle possède six cassetins vides dans lesquels le typo peut mettre ce que bon lui semble.
Casse de Daupeley-Gouverneur, 1880.
Gustave Daupeley-Gouverneur nous propose cette casse dans son manuel Le Compositeur et le Correcteurs typographes. Outre un plus grand nombre de lettres supérieures (si t d m l o e r) que les deux (e r) que nous avons vu auparavant, elle intègre le =, les crochets carrés [ ] et la barre de fraction /. Il est regrettable qu'il lui manque le plus + sans lequel on ne peut pas composer des formules arithmétiques simples. Elle est la première casse à proposer des cassetins partagés par deux signes différents.
Casse de Jouvin, 1887.
Intéressante, cette casse que Jules Jouvin proposée dans son Manuel à l'usage des élèves compositeurs de l'Imprimerie nationale. Casse IN, donc, mais qui présente deux séries de chiffres arabes : les chiffres en capitales (qu'il appelle gros chiffres) et les chiffres bas de casse, à leur emplacement habituel. Cette casse offre aussi une belle collection de lettres supérieures (c e f n o r s t), et un bon nombre de grandes et de petites capitales accentuées et – raffinement des raffinements – une apostrophe spéciale pour les petites capitales. On notera au passage la différence de nom des deux casseaux qui la composent « deuxième partie » pour le haut de casse et « première partie » pour le bas de casse.
Casse de Dumont, 1894.
Une casse issue du manuel d'un auteur belge, le Vademecum du typographe de Jean Dumont. Le j est à une bien curieuse place, de même que le k et le w, mais cette casse est plus que complète. La quasi totalité des ligatures du f, à l'exception du ff, sont regroupées dans le bas de casse.
Casse de Marcassin, 1900.
Une casse bien remplie que celle de J. Marcassin dans son manuel Essai Typographique. Verset et répons s'y trouvent encore (ils ne vont pas tarder à disparaître de toutes les casses ; serait-ce un effet de la loi de 1905 proclamant la séparation de l'Église et de l'État ?). Les lettres supérieures (l t r o e m s) sont dispersées mais elles là. Toutefois, chose plus qu'étonnante : aucune trace du i. Partagerait-il secrètement le cassetin d'une autre supérieure ?
Casse de Deberny, 1904.
La casse du catalogue 1904 de la fonderie Deberny. Elle est bien remplie (fondeur oblige), nul cassetin n'est laissé vide. Quelques lettres supérieures (l t r o e m s), et le maintien des versets et répons.
Casse de Barrière, 1923.
Cette casse tirée du Livret du typographe et de l'imprimeur de L. Barrière (avec la collaboration de L. Bothy) permet de conconstater les invariants et les variations de rangement de deux siècles exactement de grandes casses en deux casseaux. Elle est la copie fidèle de la casse Deberny de 1904.
Casse de Georges Degaast, 1932.
C'est avec cette casse dont l'ordonnancement varie assez considérablement de la précédente que va se clore ce chapitre sur la casse française en deux casseaux. Elle est tirée du Manuel d'apprentissage de composition typographique, première année, de Georges Degaast.
Tous les plans de casses que l'on vient de voir ici sont extraits de manuels ou de catalogues de matériel typographique (cités pour la plupart). Ils ont été imprimés initialement en taille-douce ou en typographie avec parfois un apport de bois gravé. Cette nomenclature ne prétend pas à l'exhaustivité mais tente de l'atteindre. Un peu par souci de complétude (et de jeu) mais surtout pour démontrer, si besoin est, que la disposition d'une casse de composition n'a jamais été fixée de façon définitive et qu'elle est susceptible de variations d'un typographe (ou d'un atelier) à un autre.
revu et augmenté : 11/11/2022
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