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Baron Bulto
1986. C'était l'époque où Michel Bulteau, écrivain électrique et éclectique, à l'instar de l'excentrique Frederick Rolfe qui signait ses ouvrages baron Corvo, avait décidé d'en signer quelques-uns des siens sous le transparent pseudonyme de baron Bulto. Il concrétisa le parallèle avec son aîné quatre ans plus tard en traduisant les Lettres de Venise de Corvo, et en lui consacrant une biographie, Baron Corvo : L'exilé de Venise, qui parut dans la collection les infréquentables des éditions du Rocher.
Baron Bulto avait commencé d'exister deux plus tôt avec l'Ennemie des tentations, une mince et petite plaquette composée et imprimée par Cécile Maurel, ma compagne d'alors, qui avait voulu s'amuser un peu avec le plomb. Le baron ne vécut qu'une troisième et dernière fois à ce jour, en dehors du Fourneau et beaucoup plus tard, avec Oscar Wilde à Hollywood, préface de Michel Bulteau (sourire), publié en 2010 chez Wax Fruit press.
Le Fourneau avait publié auparavant, par deux fois, Michel Bulteau sans son pseudonyme. La première fois en 1982, avec le Martyre de M. de Palmyre, une nouvelle constituée de trois fragments de journaux intimes puis, en 1983, avec un Calembour que je lui avais demandé, et qu'il me donna malgré qu'il m'ait avoué n'avoir pas le sens des jeux de mots. Il s'était fort bien tiré de l'exercice, en y ajoutant une pointe de poésie, qu'on en juge : « Depuis le hold-up du temps, l'or loge dans les pendules. »
Le nom de Michel Bulteau se retrouva une dernière fois sur une couverture sortie des presses du Fourneau (devenu Fornax) en 2004. Il s'agissait d'une commande de l'auteur à Fornax imprimeur : Londres jaune, imprimé sur vélin jaune pour le compte d'A l'Europe galante. Notre auteur ne finit jamais d'en payer la facture. Il y a prescription maintenant, et puis, ne doit-on pas toujours tout pardonner aux poètes ?... Corvo ne mourut-il pas en ayant accumulé des dettes prodigieuses ?
Lorsque je lus pour la première fois le manuscrit des Carnets de Stresa, l'idée de la transparence s'imposa immédiatement en moi. Ainsi que celle de bleu. La proximité sans doute des eaux du lac Majeur. Et j'eus envie que le texte donne l'apparence de flotter à la surface du papier. Peu de papiers sont à la fois bleus et transparents (en dehors du calque coloré qui n'existait pas à l'époque). Seul le papier cristal correspondait aux deux critères. Je m'enquis donc d'en trouver dans les boutiques spécialisées. Les papiers cristal de couleurs – surnommés « papiers cathédrale » parce que découpés et collés sur les vitres des fenêtres, ils permettaient de fabriquer de faux vitraux – se trouvaient dans tous les magasins et dans toutes les couleurs fabriquées, mais en petite quantité. Aucun magasin ne pouvait me fournir le nombre de feuilles nécessaires à l'impression de mon édition. Il m'aurait fallu faire la tournée des officines de Paris, de banlieue... et de province pour réunir mon comptant de feuilles. Impossible, irréaliste. Je dus me tourner vers les grossistes. Je n'en trouvais aucun en France, mais un en Allemagne. Seulement, si la quantité de feuilles dont j'avais besoin était trop importante pour les détaillants, elle était trop petite pour le grossiste. Je dus multiplier par trois la quantité qui m'était nécessaire pour pouvoir passer la commande minimale. L'interlocutrice que j'avais au bout du fil – qui parlait un français impeccable – m'apprit que sa société ne livrait pas par la Poste mais qu'elle affrétait des camions pour une succursale en France. Ma ridicule commande partirait en bouche-trou dans l'un de ces camions dès qu'il serait rempli pour un voyage. Ce fut près de six mois plus tard que je reçus un message de Strasbourg m'apprenant que ma commande y était arrivée et quelle allait bientôt m'être livrée à Paris.
J'avais enfin le papier. Pendant l'attente de son arrivée, j'avais eu largement le temps de composer à la main le texte, en Baskerville. Je pouvais imprimer. Toutefois, je me posais une question de taille : le papier cristal n'était pas absorbant et très lisse, l'encre allait-elle tenir dessus ? N'allait-elle pas s'en aller au moindre grattement d'ongle ? Par sécurité, je décidais d'ajouter dans l'encre un produit qui allait en augmenter l'adhérence : du fiel de bœuf. Je croyais alors fermement à ce pouvoir adhérent... mais je me trompais. En toute confiance, une fois mon encre préparée, j'imprimais. J'avais choisi comme couleur un blanc à peine teinté de bleu. Le Baskerville accepta sans broncher de blanchir le papier bleu. L'impression se passa sans difficulté. Comme le papier cristal était transparent (ou plutôt tranlucide), j'avais conçu la maquette pour que seules les pages de droites soient imprimées. Si je n'avais pas procédé ainsi les textes des rectos et des versos des feuillets auraient été illisibles à cause de la transparence (la translucidité). Pour faire pédant (ce que je m'efforce toujours de ne pas être), mon ouvrage était anopistographe. Ce qui me simplifiait la vie car je n'avais pas à redouter des salissures au recto encore frais alors que j'imprimais le verso.
La transparence des feuilles.
D'ordinaire, le séchage des encres d'imprimerie se fait en 24 heures, en 48 heures maximum. Au bout de trois jours, mon encre n'était toujours pas sèche. Au bout d'une semaine non plus. Ni d'un mois... C'est alors que je pris conscience que le fiel de bœuf n'avait pas le pouvoir que je pensais. En fait, c'est un dispersant. Il n'apportait rien à l'adhérence, en revanche, il était un merveilleux anti-siccatif. Et comme je n'avais pas pris la précaution de mettre du siccatif dans mon encre lors de sa préparation...
Le livre ouvert et la couture au lin bleu.
Je n'allais pas laisser mes feuilles d'impression à plat indéfiniment en attendant qu'elles sèchent. Je décidais de fabriquer le livre. Je pliais les feuilles avec beaucoup de précaution, je les assemblais, les cousais au fil de lin bleu (harmonie monochrome). Le livre était fini... mais l'encre n'était toujours pas sèche. En tournant les pages, on entendait un petit bruit crrrr, un peu, mais en plus ténu, comme le scratch des fermetures autoagrippantes. Périodiquement, je me rendais dans mes stocks pour vérifier si le petit bruit existait encore. Il fallut cinq ans pour que je ne l'entende plus.
janvier 2021
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